vendredi 18 juin 2010

Trois textes complémentaires


Lors de la visite de l'exposition Île potentielle/Sex Park, trois textes concoctés par Gwenola Wagon et Stéphane Degoutin nous sont proposés. Ces textes, autant que la trame narrative présentée par écouteurs ou la performance de Judith Lavagna, ajoutent énormément à la compréhension de cet univers artistique. Nous vous invitons donc à les lire (sur ce blog ou encore mieux, en vous rendant voir l'exposition à l'Espace Synesthésie), d'autant plus qu'ils sont très, mais très bien écrits.

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Stéphane Degoutin & Gwenola Wagon, 2010
Free Time Community

Le Zoo de Vincennes attend une réhabilitation qui tarde à venir. La désaffection du
public, la dégradation de son architecture, le manque de budget, et surtout la réticence
de l’opinion face à l’enfermement des animaux, bloquent toute évolution du lieu, qui
reste fermé et oublié des Parisiens.
Un couple n’ayant pas trouvé de logement à Paris s’y introduit la nuit, avec la
complicité d’un gardien, pour dormir dans une cage vide. Des amis les rejoignent.
Progressivement, le groupe grossit, et l’abri de fortune est peu à peu aménagé, en
commençant par l’intérieur des cages, invisible. Lorsque l’administration apprend
finalement leur existence, les squatters sont trop nombreux pour être délogés
facilement. Des manifestations de soutien s’organisent.
Le zoo est devenu un espace utopique de liberté, une zone de non-droit en dehors de la
ville, inaccessible aux intrus. Les moyens techniques (voitures, photocopieurs, etc.)
sont mis en commun. Des jardins potagers permettent la survie. Les habitants de Free-
Time Community se regroupent pour augmenter au maximum leur quantité de temps
libre. Il se crée progressivement une enclave utopique communautaire, autosuffisante
et autarcique, habitée de manière animale par une communauté régressive
d’intellectuels semi-primitifs.

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Stéphane Degoutin & Gwenola Wagon, 2010
Transhumanist Sex Park

L'utopie transhumaniste promet un corps augmenté, amélioré par le biais de
greffes, de prothèses et de divers ajouts technologiques. L'humain, hybridé par les
technologies numériques, se rapproche progressivement de l'idéal. Il devient son
propre avatar.
Le parc d'attraction du sexe transhumaniste donne corps aux utopies posthumaines:
possibilités sexuelles étendues, nouveaux organes, transplantations,
fantasmes impossibles à réaliser avec des corps traditionnels. Les adeptes du
transhumanisme viennent y prendre du plaisir avec leurs corps idéaux.
Transhumanist Sex Park offre à chacun de ses visiteurs la possibilité d'expériences
sexuelles extraordinaires et faciles.
Une grande enseigne lumineuse clignote jour et nuit. On accède au Park par un
escalier en colimaçon situé à l'intérieur d'une tourelle gauche, biomorphique. Un
grand dôme de verre rouge, à la structure irrégulière, recouvre un terrain artificiel
au sol ondulant. L'intérieur baigne dans une lumière naturelle très intense et une
tiédeur permanente, pour qu'il soit agréable de se promener nu ou légèrement
habillé.
Les visiteurs laissent leurs affaires personnelles à l'entrée. Ils signent une décharge,
prennent une douche, avalent différentes gélules. On leur propose des vêtements
légers, et des masques s'ils souhaitent rester anonymes. Beaucoup de visiteurs
apprécient le parc, réalisé avec grand soin comme un jardin-microcosme, avec
rochers artificiels à la mode chinoise, ruisseaux, collines miniatures. Il est possible
de se faire peindre le corps en animal pour s'y promener.

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Stéphane Degoutin & Gwenola Wagon, 2010
Wiki Forest

Si l'on en croit l’anarcho-primitiviste John Zerzan, dans les sociétés pré-néolithique,
personne n'avait besoin de travailler. Il suffisait de cueillir sa nourriture dans les arbres, la
mettre dans sa bouche et passer le reste du temps à se divertir. Il n'y avait pas encore de
différence entre hommes et femmes, il n'y avait ni maladie, ni compétition, ni racisme, ni
sexisme, ni homophobie.
Les chasseurs-cueilleurs préhistoriques se voient idéalisés pour dénoncer la
dégénérescence de l’humanité, à laquelle aurait contribué le mythe du progrès, de la
technologie et de la machine informatique.
L’équipe de Wiki Forest se propose d’expérimenter le pré-néolithique autrement. Elle
s’installe dans la forêt, sans aucun vêtement, sans aucun outil : pas de couteau, pas de
trousse de secours, pas de nourriture déshydratée, pas de gourde, pas de sac de
couchage. Elle emporte seulement des ordinateurs portables sous Linux, alimentés à
l’énergie solaire et équipés d’une connexion sans fil.
Et invente la société pré-néolithique du futur assistée par ordinateur.
Grâce à Wikipédia, ils pourront survivre dans la forêt, à l’écart de toute civilisation,
s'enquérir des moyens de construire des abris temporaires chasser les animaux, allumer
un feu de bois, se nourrir de plantes et de baies sauvages, se soigner…
En harmonie avec l'environnement, ils tenteront de revivre le véritable mode de vie
pré-néolithique, se délecteront de sangliers, de rongeurs, d’oiseaux, de miel, de fruits et
de noix.

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